L'époque cistercienne - Abbaye Notre-Dame Langonnet

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L'époque cistercienne

Son histoire > La présence monastique

1. Du lan de Conet à la fondation de l'Abbaye

   
 Selon la tradition locale, le premier ermitage breton de Langonnet, le lan de Saint Conet, était établi au hameau actuel de St Maur, à 750 mètres environ au Sud du bourg actuel.
      Conet est parfois assimilé à Conec ou Conogan, successeur de St Corentin sur le siège épiscopal de Quimper. Il est sûr que le culte des saints celtiques comme Brendan, Guénolé, Hervé, Conogan remonte aux origines dans la contrée; ainsi une chapelle aurait été édifiée à St Maur au IXème siècle.
      Un cartulaire de Landevennec du XIème siècle mentionne "Lan Chunett" comme prieuré. Du reste, à Langonnet, le quartier contigü au chevet de l'église s'appela longtemps "abbati zu" (l'abbaye noire). Dans l'église paroissiale de remarquables chapiteaux carolingiens rehaussent toujours les travées romanes de la nef primitive.
      L'an 818 constitue un repère historique important dans le secteur. Les Carolingiens tentent d'imposer leur autorité sur les régions périphériques de la Gaule, dont les marches de Bretagne; ainsi sept expéditions militaires franques sont dirigées contre les Bretons de 753 à 830. Pour la campagne de 818 qui voit les troupes du fils de Charlemagne, Louis le Débonnaire dit "le Pieux" (814 - 840), en personne, combattre les Bretons du roi Murman (Morvan), on dispose d'une source particulièrement riche, le long poème d'Ermold le Noir ("Faits et gestes de Louis le Pieux"). A mesure que les armées franques s'avancent dans les terres, les Bretons les harcèlent en particulier dans les marais du secteur de Priziac-Langonnet. Morvan est tué lors de cette campagne. (Voir l'épopée du Roi Morvan).
       Au cours de cette grande offensive franque en 818 on sait également qu'une entrevue eut lieu à Priziac entre Louis le Pieux qui y avait établi son camp et Matmonoc, abbé de Landévennec. Il fut décidé que l'abbaye St Guénolé de Landevennec adopterait désormais la règle bénédictine de St Benoît d'Aniane, version modernisée de la règle de St Benoît de Nursie et qu'elle abandonnerait la règle "scottique" irlandaise; ainsi le monachisme celtique céda sa prééminence à la règle bénédictine, pour des raisons sans doute autant politiques que religieuses; il s'ensuivit le rayonnement que l'on connait. C'est dans ce cadre que s'établit une église bénédictine, puis paroissiale, à Langonnet sous le nom "Abatti zu", en référence à la couleur du vêtement bénédictin par opposition à celui des Cisterciens.


2. L'implantation des moines paysans.
       Après l'effort de restauration bénédictin pour effacer les traces des invasions normandes, vint l'heure de la relève. L'essor de la réforme des nouveaux moines blancs, "moines paysans", va régénérer la vie contemplative en Bretagne. La duchesse Ermengarde, mère de Conan III, séduite par l'idéal spirituel de Bernard de Clairvaux, va favoriser des fondations nouvelles en terre d'Armorique: douze abbayes en vingt ans.
      Dans la salle capitulaire, un vitrail évoque la fondation de l'abbaye de Notre-Dame de Langonnet en ces termes "Saint Bernard recevant la charte de donation de l'abbaye de Langonnet des mains de Conan III, Ermengarde assistant".
     Venant de l'abbaye de l'Aumône, près de Chartres, douze moines prirent possession, sur les bords de l'Ellé, de la terre qui deviendra Notre-Dame de Langonnet, le 13 Juin 1136,en présence de Raoul, évêque de Cornouaille.
     La fondation du nouveau moutier s'accompagna de nombreuses donations mais Conan III n'abandonna pas cette propriété sans contrepartie: une partie des récoltes de blé ou d'avoine devait lui revenir.

3. Maurice Duault,seigneur-abbé
     On ignore le nom du premier abbé. Par contre, son successeur a laissé un grand souvenir: Maurice Duault, originaire de Croixanvec (Trêve de Noyal-Pontivy), né vers 1113. D'humble origine, fils d'un laboureur tenancier, Maurice Duault suivit des études supérieures; il entra dans la jeune communauté de Langonnet vers 1142. Son rayonnement fut tel qu'on l'élit comme supérieur au décès du Père abbé fondateur. Il sera choisi comme arbitre dans différents litiges dont le conflit qui opposa les moines de Sainte Croix de Quimperlé aux chanoines de la cathédrale St Pierre de Nantes pour la possession de l'église Notre-Dame de Nantes puis lors d'un synode où furent définis les pouvoirs de l'évêque de Quimper et l'abbé de Sainte Croix à propos de la nomination des curés des paroisses voisines du monastère.
     Son autorité, reconnue par le duc Conan IV lui-même, lui vaudra de recevoir une terre, pour une nouvelle fondation en 1177, à Carnoët. Il y mourut en 1191; la ferveur populaire fut telle qu'on entreprit les premières démarches pour obtenir sa canonisation. Les péripéties furent nombreuses: elles cessèrent, en 1228 lorsque le chapitre général des Cisterciens décida d'arrêter la poursuite de toute cause de canonisation: tout moine ayant opté pour l'anonymat du cloître devra le conserver après sa mort... Ainsi, officiellement, pas de St Maurice. Toutefois le supérieur de la communauté du Saint Esprit de Langonnet obtint l'autorisation de transférer une parcelle des reliques de Carnoët à Langonnet et les fêtes furent fixées aux 7 et 8 août 1880; une phalange fut scellée sur la poitrine d'une statue couchée, revêtue de la robe blanche de Citeaux et d'ornements pontificaux,avec mitre au front et crosse en bois dans la main. Le tout fut déposé dans une simple châsse vitrée dans la chapelle de l'abbaye de Langonnet où elle s'y trouve toujours; 20 000 fidèles accompagnèrent la relique jusqu'au terme des 50km.

 
 

4.Sous la houlette des abbés réguliers

     Vraisemblablement le premier monastère avait un aspect modeste en conformité avec la grande simplicité voulue par les Cisterciens. Par contre l'abbaye fut reconstruite dans le courant du XIIIeme siècle: la salle capitulaire, aujourd'hui transformée en chapelle "avec deux nefs de trois travées et deux fines colonnes sur la ligne médiane, ne semble pas beaucoup inférieure à 1250 (Henri Waquet-l'art breton). Il est attesté en effet, que l'ornementation des chapiteaux de la salle capitulaire (feuilles enroulées en crochets à leur extrémité) serait comparable à celle de l'abbaye de l'Etoile (Vienne) datée de 1250; la salle capitulaire elle-même rappelle par son plan celle de Carnoët (2eme moitée du XIIIeme siècle). Ce serait la première construction d'inspiration gothique en Bretagne.
    L'abbé de Langonnet jouit en ce temps d'une certaine considération: il est mandaté en 1220 pour enquêter sur un différend entre les abbés de Boquen et de Savigny à propos de l'abbaye de Bon-Repos. Cinq ans plus tard, il est appellé pour punir et sanctionner l'abbé de Lanvaux qui a autorisé les femmes à assister à la messe dans l'église abbatiale. Bien qu'il soit aujourd'hui impossible de retrouver la liste des abbés antérieurs au XVeme siècle, leur action marqua néanmoins les affaires ecclésiastiques et ils jouissaient d'une certaine notoriété auprès du Pape.
     Au siècle suivant, il en alla tout autrement; l'abbaye participe au relâchement général. En 1389 le chapitre général de Citeaux proclama la "lugubre désolation des moines de Langonnet et de Coetmalaouen" et il envoya les abbés du Relecq et de Boquen pour faire cesser les désordres avec, au besoin, l'aide du bras séculier.

5.La proie des "bénéficiers"

Malgré la tentative de Benoît XII (1334-1342) de réformer l'Ordre des Cisterciens, les abbayes demeuraient une ressource financière capitale. Durant ces années, l'abbé de Langonnet doit acquitter une taxe de 150 livres à l'évêque de Quimper et de 400 livres au Pape à laquelle s'ajoutent 15 livres de dîmes au Roi. Cependant, l'abbaye respire encore la prospérité quand éclate la guerre de Succession de Bretagne (1341-1365). Au terme de cette période troublée, pour le duché comme pour l'ensemble de l'Eglise, elle finit par apurer sa dette envers le Saint Siège. Il faut signaler que bien des abbés n'étaient plus élus par la communauté des moines mais directement nommés par le Pape. La pratique du "droit de réserve" donne en effet au Pape la faculté d'attribuer la charge d'une abbaye sans faire élire le Père Abbé. Ainsi, les "bénéficiers" se révélèrent des féodaux monastiques de plus en plus seigneurs et de moins en moins moines.
     Yves de Boutteville, fils du baron du Faouët, est le dernier abbé régulier de l'abbaye (1518-1536). Il mène de grands travaux de restauration à l'abbaye et à l'église de Langonnet; il crée un réseau de canalisations  en granit pour alimenter l'abbaye en eau. La fontaine Saint Antoine (visible sur le sentier de découverte du domaine) porte sur la pierre faîtière les armes de la famille de Boutteville.

6.Le régime de la "commende"

     En 1532, les Etats de Bretagne votèrent l'union du duché à la France. A la même époque est signé le Concordat de Bologne: il donne au pouvoir séculier le droit de nomination à 83 évêchés et 10 archevêchés ainsi que la disposition des bénéfices ecclésiastiques sur les 527 abbayes et prieurés importants par la nomination des supérieurs séculiers.

     Ainsi le Roi va nommer en tant qu'administrateur du duché de Bretagne, le premier abbé commendataire: Laurent de Bonacourcy (1574 - 1590), issu d'une illustre famille provençale qui servit tantôt la papauté, tantôt les princes; il ne résida jamais à Langonnet.
     Un précieux document daté du 13 mars 1550 indique la présence à l'abbaye de dix moines prêtres et de novices ainsi que les différentes charges religieuses et pastorales incombant à la communauté: office divin, messe des morts, office de la Vierge, aumône du Jeudi Saint et dîner en vertu de la fondation des seigneurs de Rostrenen. La pièce ajoute que tout les anciens titres de propriété et chartes avaient été détruits ou perdus.
      Avant de mourir Laurent de Bonacourcy céda  le bénéfice de l'abbaye à son neveu, Paul de Bonacourcy. Celui-ci occupera le siège abbatial jusqu'en 1641 avec beaucoup d'application et de discernement: il redressera la situation à la suite des guerres de religion. Il fut aussi commissaire de l'Ordre cistercien pour toute la Bretagne et laissera le souvenir d'un esprit compétent et travailleur.

7. La période troublée de la Ligue ( 1590 -1598)

     Les méfaits des guerres de religion ont été considérables dans la région. En 1595, Guy Eder dit La Fontenelle, retranché en Priziac, s'attaque aux bâtiments et aux archives de l'abbaye qui avait déjà pâti de la gestion de certains abbés commendataires. Il chasse les moines et vient y installer ses quartiers; "il ravagea le monastère, fit une écurie de l'église qui finit par être abattue par les uns ou par les autres pour attaquer ou se défendre. Tous les papiers furent brûlés, au point qu'il ne reste plus un seul titre de donation ni de fondation d'une si grande abbaye".
     Les moines revenus de leur exil retrouvèrent, en 1598 une abbaye en totale ruine. Leur abbé, Paul de Bonacourcy (1590-1640) s'employa à recouvrer tout les biens de l'abbaye auprès des seigneurs du voisinage. Ceci fait, dès le 26 mars 1626, il obtint l'autorisation de faire des coupes de bois pour la reconstruction.
    Il faut souligner qu'un grand mouvement de reprise en mains avait vu le jour chez les Cisterciens. Dom Denis Largentier, abbé de Clairvaux,avait rondement mené la visite régulière des abbayes bretonnes du 31 mai au 31 juillet 1600. A propos de Langonnet il écrit: " nous nous serions acheminés à Langonnet, dépendant de Citeaux, diocèse de Cornouaille, pour y procéder à pareille visite qu'aux autres,où parvenus, le 19 du mois de juin 1600, nous aurions trouvé six religieux avec leur abbé; et la maison, faute d'avoir été entretenue de bien longtemps, presque toute ruinée et principalement l'église et les cloîtres; voyant toutefois le revenu de celle-ci quasiment nul pour n'y avoir ni fermiers aux fermes, ni gens qui veulent les affermer, tant il y'a peu d'hommes dans ce quartier".
    Simultanément une résurgence de la ferveur monastique cistercienne
(l' "étroite observance") va se faire jour en Bretagne.

8.Le népotisme triomphant:les Marbeuf.

      Pendant plus d'un siècle, la famille de Marbeuf (président du parlement de Bretragne), s'arroge la possession de l'abbaye. Isaac de Marbeuf pressure l'abbaye mais restaure et embellit l'église paroissiale de Langonnet, accepte la réforme cistercienne, établit des foires et marchés au bourg de Langonnet (1668).
     Son neveu, Claude de Marbeuf (1674-1724), prend sa succession en un moment difficile, en pleine sédition du papier timbré (soulèvement des bonnets rouges); la population de Langonnet marche au son du tambour contre l'abbaye. Celle-ci échappe au pillage des mutins car les religieux acceptent de modérer les redevances perçues.
    Un aveu (dénombrement des biens), très détaillé-82 pages-rendu le 16 juin 1684 fait état des possessions, biens et rentes foncières de l'abbaye.
   Le calme revenu, les Marbeuf entreprirent de rénover les lieux selon les normes de l'époque: restauration de la chapelle, reconstruction de différent corps de batîments et de la chapelle, construction d'un cloître à l'"italienne", en tuffeau d'Angers.

liste des possessions de l'abbaye ... cliquez ici

9.La Révolution et la fin de la présence des moines à l'abbaye
     
    Le 4 février 1788, le grenier du pavillon sud-ouest de la façade prend feu: huit appartements et le vestibule sont brûlés. Leur reconstruction est rapide.
    La cascade des lois révolutionnaires va s'abattre sur Langonnet comme sur les autres abbayes bretonnes pour culminer dans la spoliation. Le 24 mai 1790 la municipalité se rend à l'abbaye pour enquêter sur les pillages qu'ont entraîné l'abolition des privilèges et la suppression de la dîme. Aux inventaires va succéder la pose des scellés sur tous les biens devenus biens de la Nation.
    La communauté monastique comprenait seulement six religieux, tous âgés de moins de 50 ans, mais disposés à quitter les lieux en cette fin d'année 1790 à condition qu'on leur versât la pension décrétée par l'Etat et que soit garantie l'assurance que " chaque religieux aura les meubles de sa cellule, sa part de linge et l'argenterie de table."
   Les cinq cloches de l'église abbatiale furent transportées à Hennebont pour rejoindre l'Hôtel de la Monnaie de Nantes le 11 octobre 1791 tandis que la bibliothèque est dispersée. Les vitraux sont descellés, le mobilier de la chapelle et de la ferme est vendu aux enchères.
  Le corps du bâtiment lui-même ne trouva pas d'acheteur dans l'immédiat. Aussi le fermier régisseur depuis 1788, François-Pierre Bréban, vint y résider avec quelques concitoyens. En dépit d'un fractionnement en trois parties, le 3 mars 1794, l'abbaye n'avait toujours pas d'acquéreur quand les évenements se précipitèrent.

10. L'insurrection bretonne et la Chouannerie

     Quand le décret du 5 février 1793 de la Convention nationale décida la levée en masse de 300 000 hommes, les provinces de l'Ouest se révoltèrent. Les factions se sont rapidement installées: les Bleus au Faouët - les " Bougres " - et les " Brigands " à  l'abbaye. Les responsables de la République informent continuellement les autorités, demandant un renforcement des garnisons et de la sécurité. Leurs craintes sont fondées car l'abbaye est bien devenue le carrefour de la résistance. Le 5 juillet 1795, le premier assaut demeura vain car, informé, chacun avait pu prendre la fuite à travers la lande.
     Mais tous les rapports demeuraient concordants: l'abbaye de Langonnet constituait le foyer du mouvement insurrectionnel.
     Finalement l'assaut fut lancé contre l'abbaye: les insurgés prirent la fuite et une garnison de Républicains s'y installa.
    Différentes morts violentes endeuilleront encore bien des familles de la contrée jusqu'à l'Empire tandis que les bâtiments du vieux moutier menaçaient ruine.
    Le sous-préfet note en 1803: "le vaste bâtiment de l'abbaye de Langonnet forme une république de près de 60 familles de misérables, sans aveu et sans occupation. "Il ajoute:" toute la canaille des environs vient s'y fixer... Il y a cinq cabarets pleins de désordre et de nombreux accidents avec morts d'hommes. Il n'est pas prudent de passer la nuit dans ces parages."

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